L’école n’est pas le lieu de la condamnation ! Et on n’empêche pas la haine simplement en la condamnant !
200 incidents sont intervenus dans les écoles à l’occasion de la minute de silence de jeudi 8 janvier, 200 élèves ont réagi contre cette minute de silence. OUI cela me heurte. Depuis que j'en entends parler, à certains moments même, quand je me laisse emmenée par mes émotions, cela m'échauffe vraiment, me choque et me met en colère ! Et OUI à froid je trouve cela particulièrement problématique. Ces incidents doivent certainement donner lieu à des sanctions. Mais NON je ne suis pas d’accord de condamner les élèves qui ont réagi ainsi !
Bien-sûr je ne parle pas des 40 cas violents d’élèves qui ont fait l’apologie du terrorisme. Je parle des autres qui renvoient à des paroles comme "Madame, on ne va pas se laisser insulter par un dessin du prophète, c'est normal qu'on se venge. C'est plus qu'une moquerie, c'est une insulte !". "Pourquoi ils continuent, madame, alors qu'on les avait déjà menacés ?". Nous parlons et défendons la liberté d'expression. Bien sur cette valeur républicaine désigne une expression sans haine. Mais cela ne se décrète pas. On n’empêche pas la haine simplement en la condamnant !
C’est trop grave pour être traité à la légère ! Attention à ne pas condamner sans dialogue celui qui n'a pas fait ce qui était demandé par l’autorité et appliqué par la majorité. C'est ainsi que l'on crée du malentendu, du rejet, du vide, de la mésestime de soi, de la colère et que l'on entretient la volonté de se venger.
Ecoutons vraiment ce qui se dit. Cherchons à comprendre ce qui ne se dit pas. Quand ces élèves disent « Madame, ils ont insulté, le prophète ça se fait pas ! », « Monsieur, ils l’ont cherché quand même ! », nous entendons bien comment le dogme religieux définit leur pensée et leurs motivations. Nous entendons clairement que pour ces jeunes c’est normal de mourir quand on n’a pas respecté le dogme et que le dogme est au-dessus de la valeur humaine.
Mais y ont-ils seulement réfléchi ? Sont-ils réellement en conscience de ce qu’ils nient la valeur humaine en disant cela ? Et surtout, ont-ils seulement conscience de la valeur humaine ?
Alors faisons s’exprimer ces élèves et tous les élèves. Intéressons-nous à ce qu'ils veulent dire à travers leurs paroles et aussi par leur comportement. Permettons que des mots soient mis car poser des mots, c’est déjà commencer à prendre du recul. Et puis aussi, amenons-les à se questionner sur le sens de leurs mots et de leurs pensées.
Ainsi, il est essentiel à l’école de développer là où cela se pratique déjà et de créer là où cela ne se pratique pas les conditions de l'expression des élèves. Une expression sans jugement, encadrée, mise en perspective, en confrontant les points de vue, les questionnements, les doutes. Bref, en mettant leurs mots et leurs comportements à l’épreuve du sens et de la pensée.
Il est essentiel aussi d’établir les conditions pour que tous les élèves puissent véritablement s’approprier les valeurs humanistes et républicaines françaises. Pas seulement les apprendre ! Comme pour ensuite les réciter mécaniquement "hibou, chou, genou,...", comme pour réciter par coeur sa lecon pour faire plaisir aux adultes. Il est essentiel que ces valeurs soient vivantes pour les jeunes, qu'ils aient des occasions pour qu'elles deviennent les leurs. Ce n'est que de cette façon que nous maximiserons les chances qu'elles aient du sens pour eux.
Plus que jamais l’école française doit être le lieu où les valeurs humanistes et républicaines se construisent par l'expression et la pensée.